Dans l’Ouest canadien, aux confins de la Colombie-Britannique, se trouve un sentier mythique dont la beauté sauvage peint la toile de l’arrière-pays. 170 kilomètres de marche technique, et 8000 mètres de dénivelé à couper le souffle : un format idéal pour éblouir les pupilles friandes avec les plus belles fresques de la nature canadienne. Partis en duo et en autonomie totale, nous ne croisons que quelques âmes flâneuses et complices sur le chemin, le plus souvent au crépuscule du soir. De refuge en campement, nous arpentons des kilomètres de forêts verdoyantes, humides ou sèches, dont l’immensité ferait pâlir les déserts les plus dantesques. Chaque jour est une aube dans nos cœurs vaillants, et chaque paysage une contrée onirique, tantôt chaleureuse, tantôt hostile. Nous craignons la rencontre avec l’ours, dont nous ne voyons finalement que les empreintes de pas. La lumière pénètre dans les bois comme la balle entre dans la chair, et fait de l’obscurité un cocon pour les exilés du monde moderne.
À partir de Sarah Point, 7 jours et 8 nuits nous séparent de Saltery Bay, tandis que tous nos points de chute ressemblent à des havres de paix — petits coins de bonheur où nous nous enivrons simplement des secondes qui s’écoulent, et nous réjouissons des cueillettes de mûres et de bleuets. Le corps affaibli par l’effort physique et le rationnement calorique, nous passons une dernière nuit à Fairview Bay ; quiconque s’y arrête goûte à la douceur du mot « paradis ». Face à la mer, nous sommes inatteignables. Cet amour de la nature, l’espace de quelques heures, semble indestructible.
Avec nos sacs à dos lacérant nos épaules, mais toujours plus légers que la veille, il nous faut alors repartir, quitter cette sobre odyssée, nous extraire de ce hors-temps addictif et sublime, afin de rejoindre la ville de Vancouver par la route. C’est à ce moment précis qu’il convient de lever le pouce pour terminer l’aventure.